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63.
INFORMATIQUE QUANTIQUE |
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LISTE DES SUJETS TRAITÉS SUR CETTE PAGE
L'informatique quantique
(nous devrions plutôt parler de "calculation quantique" car
nous sommes actuellement très loin d'un système d'entrée/sortie)
est un exemple royal de l'utilisation des spécificités
des modèles théoriques de la
physique quantique pour le traitement et la transmission de l'information.
Toutefois il
faut aussi se rappeler que le comportement des transistors gravés
sur la puce de votre ordinateur n'a pu être imaginé
en 1947 par Bardeen, Brattain et Shockley qu'à partir de
leurs connaissances en physique quantique. Donc la totalité de
nos appareils électroniques fonctionnant déjà sur
la base de semi-conducteurs fonctionnent à l'aide de développements
obtenus grâce à la physique
quantique.
La grande nouveauté, depuis le début
des années 1980, est la possibilité pour les physiciens
de manipuler et d'observer des objets quantiques élémentaires
individuels: photons, atomes, ions, etc. C'est cette possibilité de
manipuler et d'observer des objets quantiques élémentaires
qui est à
l'origine de l'information quantique, où ces objets quantiques
élémentaires permettront de construire physiquement
les qubits. Cela dit, aucun concept fondamentalement nouveau
n'a
été introduit depuis les années 1930, et les
pères fondateurs de la physique quantique (Heisenberg,
Schrödinger,
Dirac, Planck, Einstein,…), s'ils ressuscitaient aujourd'hui,
ne seraient pas surpris par l'informatique quantique, même
s'ils seraient sûrement éblouis par les prouesses
des expérimentateurs
qui réalisent aujourd'hui des expériences qualifiées
à l'époque de "gedanken experiment" (expérience
imaginaire).
Il vaut aussi la peine de
signaler que la miniaturisation croissante de l'électronique
va trouver ses limites en raison des effets quantiques, qui vont
devenir incontournables en dessous du nanomètre. Ainsi,
nous estimons que la loi de Moore (hypothèse selon quoi
la puissance de calcul des machines double à peu près
tous les 18 mois) pourrait ne plus être valable d'ici 2015-2020.
Il est fort à parier
que la mode de l'étude de la physique quantique et son application
à l'informatique quantique (et l'électronique quantique
et la télécommunication quantique) va exploser dans les
décennies
à venir (surtout vers la fin du 21ème siècle).
Ainsi, les écoles
d'ingénieurs
intégreront
presque dans tous les domaines
la physique quantique dans les programmes scolaires. Ce que les
physiciens étudient depuis bientôt déjà
presque 100 ans dans leur cursus.
Avant de passer au côté
formel, nous avons jugé cependant intéressant de
faire un petit passage
vulgarisé car nous avons remarqué que cela aide à
comprendre les calculs qui seront faits par la suite.
Dans les années 70
et 80, les premiers ordinateurs quantiques naissent par retournement
dans l'esprit de physiciens tels que Richard Feynman, Paul Bénioff,
David Deutsch ou Charles Bennett. L'idée de Feynman était
qu'au lieu de nous plaindre que la simulation des phénomènes
quantiques demande des puissances énormes à nos
ordinateurs actuels, que nous utilisions alors la puissance
de calcul des phénomènes
quantiques pour faire plus rapides que nos ordinateurs actuels.
Longtemps les physiciens
ont douté que les calculateurs quantiques utilisables puissent
exister, et même que nous puissions en faire quelque chose
de viable s'ils existaient. Mais:
- En 1994, Peter Shor, un
scientifique d'AT&T montre qu'il est possible de factoriser
des grands nombres dans un temps raisonnable à l'aide d'un
calculateur quantique. Cette découverte débloque brusquement
des crédits.
- En 1996, Lov Grover, invente
un algorithme basé sur les calculateurs quantiques permettant
de trouver une entrée dans une base de données non
triée.
- En 1998, IBM est le premier
à présenter un calculateur quantique de 2 qubits
(pour
"Quantum Bit").
- En 1999, l'équipe
d'IBM utilise l'algorithme de Grover pour la recherche quantique
rapide sur une base de données (quantum database search
) sur un calculateur de 3 qubits et battent leur record l'année
suivante avec un ordinateur de 5 qubits.
- En 2001,
IBM crée un calculateur quantique de 7 qubits et factorise
le nombre 15... grâce à l'algorithme de Shor (cf.
chapitre de Méthodes Numériques). Les ordinateurs à 7
qubits sont bâtis autour de molécules de
chloroforme et leur durée de vie utile ne dépasse
pas quelques minutes.
- En 2007, la compagnie canadienne D-Wave lors d'une démonstration
a présenté un ordinateur quantique à 16 qubits.
La mémoire d'un ordinateur
classique est faite donc de bits (cf. chapitre
de Systèmes Logiques).
Chaque bit porte soit un 1 soit un 0 (mode bipolaire). La machine
calcule
en manipulant
ces
bits.
Un calculateur quantique
travaille sur un jeu de qubits. Un qubit peut porter soit un 1,
soit un 0, soit une superposition d'un 1 et d'un 0
(ou, plus exactement, il porte une distribution de phase). Le
calculateur
quantique calcule en manipulant ces distributions comme nous le
verrons dans les détails plus loin.
Interroger un qubit dont
la phase n'est pas de 0° ou de 90° ne sert pas à grand-chose: nous obtiendrons la réponse 0 avec une probabilité
donnée, et la réponse 1 avec une autre probabilité...
et il est possible de construire des générateurs
aléatoires
bien moins onéreux! En revanche, si nous arrivons à
créer un algorithme qui le conduit systématiquement
à une phase 0° ou 90°, nous obtiendrons un résultat
déterministe. Encore faut-il que celui-ci corresponde à
une réponse cherchée.
Un calculateur quantique
pourrait être implémenté à partir de
toute particule pouvant avoir deux états. Il peut être
construit à partir de photons, ou à partir
de n'importe quelle particule ou atome comportant un
spin.
Comme nous le savons, un ordinateur classique ayant
trois bits de mémoire peut stocker uniquement des nombres
de trois chiffres composés de uns ou de zéros digitaux (cf.
chapitre de Systèmes Logiques) pour un total de 8 états
qu'il doit traiter à part.
À un moment donné, il pourrait contenir les bits
101.
Un ordinateur quantique ayant trois qubits peut en fait stocker
16
valeurs, assemblées deux par deux pour former 8 (23) nombres
complexes. Il pourrait, par exemple, contenir ceci (nous démontrerons
bien sûr
d'où vient cela un peu plus loin!) à un instant donné:
État |
Amplitude |
Probabilité |
|
a+ib |
(a2
+ b2) |
000 |
0.37+i0.04 |
0.14 |
001 |
0.11+i0.18 |
0.04 |
010 |
0.09+i0.31 |
0.10 |
011 |
0.03+i0.30 |
0.18 |
100 |
0.35+i0.43 |
0.31 |
101 |
0.40+i0.01 |
0.16 |
110 |
0.09+i0.12 |
0.02 |
111 |
0.15+i0.16 |
0.05 |
Tableau: 63.1
- Exemple de valeurs de qubits
La première colonne
montre tous les états possibles pour trois bits. Un ordinateur
classique peut donc seulement porter un de ces états à
la fois. Un ordinateur quantique, lui, peut être dans une
superposition de ces 8 états à la fois. La deuxième
colonne montre l'amplitude pour chacun des 8 états. Ces
8 nombres complexes sont un instantané du contenu d'un
ordinateur quantique à un moment donné. Durant
le calcul, ces trois nombres changeront et interagiront les
uns avec les autres.
En ce sens, un ordinateur quantique à trois qubits a bien
plus de mémoire qu'un ordinateur classique à trois
bits.
Cependant, il n'est pas possible
de voir directement ces trois nombres. Quand l'algorithme est fini,
une seule mesure est accomplie. La mesure retourne une simple
chaîne
(string) de 3 bits et efface les 8 nombres quantiques.
De plus, le report de calculs intermédiaire doit utiliser
l'intrication quantique ce qui est loin d'être simple.
La troisième
colonne donne la probabilité pour
chacune des chaînes possibles. Dans cet exemple, il y a 14%
de chance que la chaîne retournée soit 000, 4% que
ce soit 001 et ainsi de suite. Chaque nombre complexe est nommé "amplitude"
et chaque probabilité une "amplitude
carrée". La somme
des huit probabilités est égale à un.
Typiquement, un algorithme
d'un ordinateur quantique initialisera tous les nombres complexes
à des valeurs égales, donc tous les états
auront les mêmes probabilités. La liste des nombres
complexes peut être imaginée comme un vecteur à 8 éléments.
À chaque étape de l'algorithme, le vecteur est modifié
par son produit avec une matrice. La matrice provient de la physique
de la machine et sera toujours inversible, et s'assurera que la
somme des
probabilités continue à être égale à un.
Il faut d'abord réaliser
un calcul conduisant à un état non superposé.
En effet, si on interroge un qubit qui se trouve dans une superposition
d'états, la réponse sera aléatoire et ne nous
apprendra pas grand-chose. Il faut donc trouver un algorithme
donnant
une réponse unique pour tous les chemins de calcul possibles.
C'est un problème semblable à celui des énigmes
où l'on doit obtenir une réponse toujours vraie
en la posant à une série d'intermédiaires
dont on sait que certains mentent toujours et d'autres jamais.
La question
est donc de trouver un calcul parvenant à cet invariant,
par exemple dans le cas du cassage d'un code la clé de
chiffrage que l'on cherche à déterminer.
Un autre problème
ensuite est de le mesurer: la lecture d'un seul bit d'un état
quantique détruit la totalité de cet état.
Il faudra donc refaire le calcul autant de fois que la réponse
souhaitée comporte de bits, mais le temps correspondant sera
juste proportionnel à ce nombre de bits et non exponentiellement
plus grand, ce qui est justement le but recherché.
Commençons par comprendre les concepts sous-jacents à la
théorique
quantique de l'informatique quantique avec une étude de
la polarisation du photon.
POLARISATION
DU PHOTON
Depuis Einstein, nous savons
que la lumière est composée de photons, ou particules
de lumière et celle-ci a un aspect dual onde-particule
(cf. chapitre d'Optique Ondulatoire).
Si nous réduisons
l'intensité lumineuse
d'un faisceau de photons, nous devrions pouvoir étudier
la polarisation des photons individuels, que nous savons parfaitement
détecter à l'aide de photomultiplicateurs. Supposons
que l'expérience détecte N photons. Lorsque
,
nous devons retrouver les résultats de l'optique ondulatoire
(voir chapitre du même nom).
Effectuons
par exemple l'expérience suivante:

Figure: 63.1 - Expérience imaginaire pour la mesure de la polarisation
Une lame biréfringente
sépare un faisceau lumineux dont la polarisation fait un
angle
avec Ox en un faisceau polarisé suivant Ox
et un faisceau polarisé suivant Oy, les intensités
étant respectivement
et
(selon la démonstration de la loi de Malus faite dans le
chapitre d'Optique Ondulatoire).
Réduisons l'intensité de telle sorte
que les photons arrivent un à un, et plaçons deux
photodétecteurs
derrière
la lame. L'expérience montre que ne
cliquent jamais simultanément (sauf cas de "dark count"
où un compteur se déclenche spontanément):
un photon arrive entier soit sur ,
soit sur ,
un photon ne se divise donc pas. D'autre part, l'expérience
montre que la probabilité de
détection d'un photon par est
de .
Ainsi, si l'expérience détecte N photons,
nous aurons donc photons
détectés par :
(63.1)
où le
tient compte des fluctuations statistiques. Comme l'intensité
lumineuse est proportionnelle au nombre de photons, nous retrouvons
bien la loi de Malus à la limite .
Cependant, nous notons deux problèmes:
1. Pouvons-nous prévoir,
pour un photon donné, s'il va déclencher
ou
? La réponse de la théorie quantique est NON, énoncé
qui a profondément choqué Einstein (Dieu ne joue
pas aux dés!). Certains physiciens (dont Einstein) ont été
tentés de supposer que la théorie quantique était
incomplète, et qu'il y avait des "variables cachées"
dont la connaissance permettrait de prévoir le sort individuel
de chaque photon. Moyennant des hypothèses très
raisonnables sur lesquelles nous reviendrons, nous savons aujourd'hui
que de
telles variables cachées sont exclues. Les probabilités
de la théorie quantique sont, nous le savons (cf.
chapitre de Physique Quantique Ondulatoire), intrinsèques!
Elles ne sont pas liées à une connaissance imparfaite
de la situation physique, comme c'est le cas par exemple dans
le jeu
de pile ou face.
2. Si nous recombinons les
deux faisceaux de la première lame biréfringente,
en utilisant une seconde lame symétrique à la première:

Figure: 63.2 - Expérience imaginaire recombinant les deux faisceaux
et si nous cherchons la probabilité
qu'un photon traverse l'analyseur, un photon peut choisir le trajet
x avec une probabilité ,
il a ensuite une probabilité
de traverser l'analyseur soit une probabilité totale .
S'il choisit le trajet y, il aura une probabilité
de traverser l'analyseur. La probabilité totale s'obtient
donc en additionnant les probabilités des deux trajets
possibles:
(63.2)
Ce résultat est FAUX! En effet, l'optique classique nous
apprend que l'intensité
est
(cf. chapitre d'Optique Ondulatoire)
et le résultat correct, confirmé par l'expérience
est:
(63.3)
Ce qui n'est pas du tout
la même chose!
En fait, pour retrouver les
résultats de l'optique ondulatoire, il faut se rappeler que la
probabilité
en physique quantique s'obtient par la norme au carré de l'amplitude
de probabilité (cf. chapitre de Physique
Quantique Ondulatoire).
Ainsi:
(63.4)
et nous devons additionner
les amplitudes pour des trajets indiscernables et en utilisant
les relations trigonométriques de base, nous obtenons:
(63.5)
ce qui redonne bien:
(63.6)
Supposons que nous ayons
un moyen de savoir si le photon emprunte le trajet x ou
le trajet y (impossible dans notre cas, mais des expériences
analogiques répondant à la question "Quel trajet?" ont
été réalisées avec des atomes). Nous pourrions alors diviser les
photons en deux classes, ceux qui ont choisi le trajet x
et ceux qui ont choisi le trajet y.
Pour les photons ayant
choisi le trajet x, nous pourrions
bloquer le trajet y par un cache sans rien changer, et
inversement pour les photons ayant choisi le trajet y nous
pourrions bloquer le trajet x. Bien évidemment,
le résultat
ne peut
être alors que .
Si nous arrivons à discriminer entre les trajets, le résultat
n'est plus le même, les trajets ne sont plus indiscernables.
Dans les conditions expérimentales où il est impossible
en principe de distinguer entre les trajets, nous pouvons dire
au
choix:
1. Soit que le photon emprunte
les deux trajets à la fois (...)
2. Soit que cela n'a pas
de sens de poser la question "Quel trajet?", puisque les
conditions expérimentales ne permettent pas d'y répondre.
Il faut noter que si l'expérience
permet de décider entre les deux trajets, le résultat est ,
même si nous décidons de ne pas les observer. Il suffit que les
conditions expérimentales permettent, en principe, de distinguer
entre les deux trajets.
QUBIT
Nous pouvons utiliser la
polarisation des photons pour transmettre de l'information, par
exemple par une fibre optique. Nous décidons tout à fait
arbitrairement, d'attribuer la valeur 1 du bit à un photon polarisé suivant Ox
et la valeur 0 à un photon polarisé suivant Oy.
Pour étudier la théorie, il est devenu traditionnel
de se représenter
que les deux personnes qui échangent de l'information
sont appelées
conventionnellement Alice (A) et Bob (B). Alice
envoie par exemple à Bob la suite de photons polarisés
suivante:
yyxyxyyyx...
(63.7)
Bob analyse la polarisation
de ces photons à l'aide d'une lame biréfringente et en déduit le
message d'Alice:
001010001...
(63.8)
Ce n'est évidemment pas une
façon très efficace d'échanger des messages, mais
c'est à la base
de la cryptographie quantique (cf. chapitre
de Cryptographie).
Cependant, la question intéressante est maintenant: quelle
est la valeur du bit que nous pouvons attribuer par exemple à un
photon polarisé à 45° ? Suivant les résultats précédents,
un photon polarisé
à 45° est une superposition linéaire d'un photon polarisé suivant
Ox et d'un photon polarisé suivant Oy. Un
qubit est donc une entité beaucoup plus riche
qu'un bit ordinaire, qui ne peut prendre en logique stricte que
les valeurs 0 et 1.
En un certain sens, un qubit peut prendre
toutes les valeurs intermédiaires entre 0 et 1 et contiendrait
donc une quantité infinie d'information ! Cependant, cet énoncé optimiste
est immédiatement démenti lorsque nous nous rendons
compte que la mesure du qubit ne peut donner que le résultat
0 ou 1, quelle que soit la base choisie. Malgré tout, nous
pouvons nous poser la question de cette "information cachée" dans
la superposition linéaire
et nous verrons que nous pouvons l'exploiter sous certaines conditions.
Afin de rendre compte de
la possibilité des superpositions linéaires, il est
naturel d'introduire pour la description mathématique de
la polarisation un espace vectoriel complexe (cause: phaseurs) à deux
dimensions correspondant au plan de polarisation comme nous l'avons
vu dans le chapitre d'Optique Ondulatoire.
Nous
noterons cet espace vectoriel
(nous reprenons la notation des espaces de Hilbert) et l'appellerons
"l'espace de Hilbert des états
de polarisation".
Nous pouvons très bien décomposer
le vecteur correspondant aux polarisations linéaires Ox et
Oy en deux vecteurs kets
et
tel que tout état de polarisation (qu'il soit linéaire, circulaire
ou autre) pourra se décomposer
suivant cette base:
(63.9)
Ainsi, une polarisation linéaire
sera décrite par des coefficients
réels, mais la description d'une polarisation circulaire ou elliptique
exigera bien évidemment de faire appel à des coefficients complexes!
Les amplitudes de probabilité
vont correspondre à un produit scalaire sur cet espace. Soit deux
vecteurs correspondant donc à deux polarisations différentes:
(63.10)
Le produit scalaire hermitique
(cf. chapitre de Calcul Vectoriel)
sera donc:
(63.11)
Maintenant, un état de polarisation
linéaire (cf. chapitre d'optique Ondulatoire)
suivant
sera donné logiquement par (si nous nous restreignons au
cas linéaire donc!):
(63.12)
où
sont des vecteurs de norme unité. Ce qui est conforme à
la représentation mentale:

Figure: 63.3 - Rappel du principe de décomposition du champ
où l'amplitude du champ est normalisée à l'unité.
L'amplitude de probabilité
pour qu'un photon polarisé suivant
traverse un analyseur orienté suivant
pourra maintenant s'écrire:
(63.13)
et la probabilité
de traverser l'analyseur sera toujours donnée par la norme
au carré de cette amplitude comme nous l'avons
démontré plus haut:
(63.14)
De façon générale,
nous définirons des amplitudes de probabilité, où
sont des états de polarisation:
(63.15)
et la probabilité
correspondante sera:
(63.16)
Nous sommes maintenant prêts
à aborder la question cruciale de la mesure dans le cadre
de cette expérience quantique. Reprenons l'ensemble polariseur/analyseur,
en supposant que l'analyseur soit orienté suivant Ox.
Si le polariseur est aussi orienté suivant Ox,
un photon sortant du polariseur traverse l'analyseur avec une
probabilité
de 100%; si le polariseur est orienté suivant Oy,
la probabilité est nulle. L'analyseur effectue un test
(de la polarisation), et le résultat du test est 1 ou
0. Le test permet donc de connaître l'état de polarisation
du photon.
Mais ceci n'est pas le cas général!
Supposons
que le polariseur soit orienté suivant la direction générale
ou
la direction orthogonale (il
y a une rotation de )
. Nous avons alors en utilisant les propriétés du cercle trigonométrique:
(63.17)
et donc si le polariseur
prépare par exemple le photon dans l'état
et que l'analyseur est orienté suivant Ox, la probabilité
de réussite du test sera toujours
quel que soit le type de polarisation!! Rappelons que dans cet
exemple, après le passage dans l'analyseur, l'état
de polarisation du photon n'est plus ,
mais .
La mesure modifie donc l'état de polarisation.
Remarque: Bien sûr, une autre manière de voir que
les deux vecteurs plus hauts sont orthogonaux est d'effectuer
un
produit scalaire et de constater que celui-ci est nul.
Nous constatons une différence
de principe entre la mesure en physique classique et la mesure en
physique quantique. En physique classique, la quantité physique
à mesurer préexiste à la mesure: si un radar
mesure la vitesse de votre voiture à 180 Km/h sur l'autoroute,
cette vitesse préexistait à sa mesure par le gendarme.
Au contraire, dans la mesure de polarisation d'un photon
par un analyseur orienté suivant Ox, le fait que le
test donne une polarisation suivant Ox ne permet pas de conclure
que le photon testé avait au préalable sa polarisation
suivant Ox.
Donc nous avons un dispositif
préparant le système quantique dans l'état
et un second capable de le "préparer" dans l'état
que nous utiliserons comme analyseur. Après le test, le
système
quantique sera donc dans l'état ,
ce qui veut dire du point de vue mathématique que nous
réalisons
une projection orthogonale sur .
Soit ce
projecteur, alors la projection orthogonale
vectorielle (cf.
chapitre de Calcul Vectoriel) est donnée par:
(63.18)
ce qui consiste (pour rappel) en un simple produit scalaire
(projection orthogonale scalaire) multiplié
par le vecteur .
Ceci se voit aisément en plaçant judicieusement
les parenthèses:
(63.19)
et donc:
(63.20)
La projection du vecteur
d'état est appelée, comme nous l'avons déjà vu
(cf.
chapitre de Physique Quantique
Ondulatoire), dans
l'interprétation
de Copenhague de la physique quantique "réduction
du vecteur d'état", ou, pour
des raisons historiques, "réduction
du paquet d'ondes".
Cette réduction du vecteur d'état est une fiction
commode de l'interprétation de Copenhague, qui évite
d'avoir
à se poser des questions sur le processus de mesure...
Le lecteur habitué
à l'algèbre linéaire (voir chapitre du même
nom) remarquera trivialement que nous pouvons manipuler la convention
de notation
du projecteur
comme une matrice (application linéaire) telle que dans
deux cas particuliers simples (ceux qui nous intéressent!):
(63.21)
Un lecteur nous ayant demandé de préciser
la démarche,
voyons comme nous arrivons à cet aspect matriciel de la
projection orthogonale avec un exemple particulier de deux vecteurs
dans un espace réel à deux dimensions. Considérons:
(63.22)
et donc (la démarche est la même pour y):
(63.23)
Remarque: L'écriture matricielle du projecteur
orthogonal est souvent présentée en tant qu'une définition
d'un outil mathématique appelé "produit
extérieur".
Donc finalement, pour en revenir à nos moutons, nous avons:
(63.24)
et idem pour l'autre composante.
Comme:
(63.25)
Nous avons alors:
(63.26)
Nous remarquerons que l'opérateur
identité peut être écrit comme la somme des
deux projecteurs :
(63.27)
relation dite "relation de
fermeture", qui se généralise à une base orthonormée
d'un espace de Hilbert
de dimension N:
(63.28)
Par ailleurs, les projecteurs
commutent (vérification triviale):
(63.29)
Ainsi, les tests
sont compatibles (quel que soit le sens de la mesure le résultat
en est indépendant). En revanche, les projecteurs :
(63.30)
qui satisfont (vérification
triviale) à:
(63.31)
ainsi qu'à (vérification
triviale):
(63.32)
ne commutent
pas avec :
(63.33)
et donc les tests
sont incompatibles.
Pour des développements
ultérieurs, il sera utile de remarquer que la connaissance
des probabilités de réussite d'un test T permet
de définir une valeur moyenne (espérance):
(63.34)
En analogie avec le contexte,
nous pouvons lire cela ainsi: l'espérance du test est égale
à la valeur représentative du photon orienté
selon Ox (correspondant à la valeur 1 arbitrairement)
multipliée par la probabilité de passer l'analyseur
orienté aussi selon Ox (donc test concluant à
100%) sommée à la valeur représentative du
photon orienté selon Oy (correspondant à la
valeur 0 arbitrairement) multiplié par la probabilité
de passage l'analyseur toujours orienté selon Ox (donc
0% des photons Oy passeront le test Ox).
Par exemple, si le test T
est représenté par la procédure
et que nous l'appliquons à un état (contenant
comme nous l'avons vu plus haut les valeurs représentatives du
photon polarisé en linéaire ou autre...)
alors le test correspond à un produit scalaire:
(63.35)
et comme nous l'avons vu
dans le chapitre de Physique Quantique Ondulatoire, nous savons
qu'au fait:
(63.36)
est la valeur moyenne d'un
opérateur M dans l'état .
Ainsi, au test T auquel est associée une procédure ,
nous pouvons associer le projecteur
dont la valeur moyenne dans l'état
donne la probabilité de réussite du test.
La généralisation
de cette observation permet de construire les propriétés
physiques d'un système quantique. Donnons un exemple en
revenant au cas de la polarisation. Supposons que nous construisions
(de
manière tout à fait arbitraire) une propriété
d'un photon de la façon suivante:
vaut
+1 si le photon est polarisé suivant Ox
vaut
-1 si le photon est polarisé selon Oy.
Nous pouvons
associer à la propriété physique l'opérateur
hermitique:
(63.37)
qui vérifie bien (trivial) la relation entre opérateur,
valeur propre et vecteur:
(63.38)
La valeur moyenne (espérance)
de M étant alors (par définition):
(63.39)
Supposons le photon dans
l'état de polarisation linéaire ,
alors la valeur moyenne
dans l'état
est (trivial):
(63.40)
Avant de voir, comment nous pouvons construire un
tel opérateur M avec un autre objet que le photon
et ce avec les mêmes
propriétés,
introduisons un outil mathématique généralisant
les conditions et la configuration d'une onde polarisée
quelconque:
SPHÈRE DE BLOCH
La sphère de Bloch est comme nous allons le voir une représentation
géométrique des états des qubits comme points de la surface d'une
sphère.
Un certain nombre d'opérations élémentaires
faites en informatique quantique peuvent sous le choix d'un projecteur
adéquat être
réalisées avec cette sphère.
Nous allons montrer qu'un état d'un qubit arbitraire (vecteur
dans le plan complexe) peut être écrit:
(63.41)
où et , définissent
un point sur la sphère tridimensionnelle de Bloch et où
nous avons les deux vecteurs de base:
(63.42)
pour lesquels parfois la définition est inversée
(mais peu importe tant que cela forme une base orthogonale!).
Les qubits représentés par des valeurs arbitraires
de (invariance
de jauge globale selon U(1)) sont tous représentés par le
même point sur la sphère de Bloch parce que nous allons montrer
que le facteur n'a pas d'effet observable et que nous pourrons
alors écrire sans perdre en généralité:
(63.43)
ce qui est représenté comme nous le justifierons
plus loin par la figure ci-dessous:

Figure: 63.4 - Sphère de Bloch
La sphère de Bloch est une généralisation de la représentation
d'un nombre complexe z avec comme
un point du cercle dans le plan (de Gauss) comme nous l'avons vu
lors de notre étude des nombres complexes dans le chapitre traitant
des Nombres.
Nous avions vu également dans ce même chapitre qu'un nombre complexe
pouvait être représenté par une exponentielle complexe telle que:
(63.44)
et si le cercle était unitaire:
(63.45)
Notons que la contrainte élimine
un degré de liberté.
Nous allons maintenant noter la décomposition d'un état de polarisation
sous la forme:
(63.46)
et celle-ci sous une forme plus traditionnelle en informatique
quantique (logique vu les bases...):
(63.47)
où (eh
oui! on est plus dans le cas simple d'une onde polarisée linéairement
maintenant...!) sans oublier la condition de normalisation:
(63.48)
Nous pouvons donc écrire le qubit sous la forme:
(63.49)
Remarque: Attention il est très
important d'avoir lu la partie traitant de la polarisation de la
lumière dans le chapitre d'Optique
Ondulatoire pour comprendre que cela ne tombe pas du ciel! À la
différence, que nous ne travaillons pas ici avec des phaseurs
car la solution de l'équation d'évolution de Schrödinger
comporte des exponentielles complexes comme nous l'avons vu dans
le cadre de
la résolution de celle-ci pour un mode propre d'une particule
libre.
Ajouter un facteur de phase globale ne devrait avoir aucune influence
sur les coefficients car:
(63.50)
et similairement pour .
Ainsi, nous sommes libres de multiplier notre qubit polarisé et
normalisé:
(63.51)
par la phase globale ce
qui donne:
(63.52)
En plus, nous avons toujours la condition de normalisation à respecter
(imposer).
En revenant aux coordonnées cartésiennes, nous
avons:
(63.53)
et la contrainte de normalisation donne alors:
(63.54)
Ce qui est l'équation d'une sphère unitaire dans l'espace avec
les coordonnées cartésiennes .
D'où l'origine quantique de la sphère de Bloch!
Nous savons (cf. chapitre de Calcul Vectoriel) que les coordonnées
cartésiennes sont reliées aux coordonnées sphériques par les relations:
(63.55)
donc en renommant et
en se rappelant que ,
nous pouvons écrire:
(63.56)
Nous n'avons maintenant plus que deux paramètres utiles à connaître
pour définir notre point sur la sphère unité (et
ce toujours à l'arbitraire
de phase près).
Le lecteur remarquera que contrairement au qubit polarisé linéairement,
le cas général ci-dessus rajoute un terme complexe
et qu'inversement en enlevant ce terme supplémentaire, nous
retombons sur la relation de l'onde polarisée linéairement
vue en début de chapitre. Cependant, à noter (pour la culture
générale), que si nous ajoutons le même terme complexe au premier
terme, nous avons alors aussi la représentation suivante très courante
de l'onde polarisée linéairement et dont l'écriture se nomme "vecteur
de Jones":
(63.57)
Mais nous n'en avons pas encore terminé!
Revenons donc à (nous enlevons l'apostrophe pour l'état de polarisation):
(63.58)
et remarquons que:
(63.59)
et:
(63.60)
en n'oubliant pas que et
que dans ce cas le facteur exponentiel devant est
un changement de phase global sans influence.
Tout cela suggère que est
suffisant pour décrire n'importe quel état de polarisation et donc
tous les points de la sphère de Bloch.
Par ailleurs, nous pouvons voir que dans le système le
point de coordonnées est
le point opposé à celui de coordonnées :
(63.61)
Nous avons par ailleurs (c'est immédiat):
(63.62)
et donc des points opposés sur la sphère de Bloch correspondent à des
qubits (états de polarisation) orthogonaux!
Ainsi, nous pouvons considérer seulement l'hémisphère
supérieur de
la sphère de Bloch puisque les points opposés ne
différent
que d'un facteur de phase -1 et sont donc équivalents dans
la représentation
de la sphère de Bloch.
Ainsi, la relation:
(63.63)
est suffisante pour décrire toute la sphère de Bloch
dans un espace complexe de dimension 2.
Par construction, chaque point donné par la relation précédente
de dimension 2 contient une double représentation d'une rotation
dans l'espace réel de dimension 3.
Nous avons vu par ailleurs dans le chapitre de calcul spinoriel
qu'une rotation pouvait s'écrire sous la forme:
(63.64)
avec pour rappel les matrices de Pauli:
(63.65)
Soit avec l'écriture habituelle (traditionnelle) du domaine
de l'informatique quantique:
(63.66)
Soit après simplification de la dernière matrice:
(63.67)
Maintenant considérons la rotation de notre vecteur d'état de
polarisation (dû à un projecteur):
(63.68)
Pour obtenir un coefficient de réel
(afin d'avoir une observable dans la projection d'un axe), nous
multiplions par un facteur de phase donnant:
(63.69)
donc pour obtenir une rotation autour de l'axe z il suffit
de changer .
Donc si nous revenons sur:
(63.70)
il peut être montré de la même manière que dans un cadre général
un opérateur qubit unitaire peut être écrit sous la forme observable:
(63.71)
Il faut choisir ensuite les angles et l'axe de rotation pour
définir complètement l'opérateur.
QUBIT DE POLARISATION
Nous allons revenir ici sur le cas de la polarisation du
photon mais ce coup-ci, nous allons pouvoir généraliser
grâce à
la formulation de la sphère de Bloch à n'importe
quel type de polarisation.
Imaginons pour cela un polariseur qui ne laisse passer que des
photons polarisés verticalement suivis d'un photodétecteur,
qui fait 'clic' si un photon est détecté et rien
sinon. Ce dispositif nous permet de détecter les photons
polarisés verticalement.
Traduisons ceci dans le langage de la mécanique quantique:
Les états du système sont donc les états de polarisation d'un
photon. Les mesures de l'observable auront aussi pour valeur ses états
de polarisation.
Les mesures possibles sont:
(63.72)
Nous noterons les états correspondants .
Dans notre configuration, il est alors évident que le couple représente
les valeurs propres et les
vecteurs propres d'un opérateur (que nous ne connaissons
pas) et que nous noterons donc .
Comme nous le savons, est
une base orthonormée de l'espace des états (de polarisation). C'est
la base appelée "base H/V" pour Horizontale/Verticale
et qui est notée normalement:
(63.73)
Prenons maintenant plusieurs cas:
1. Soit un photon dans l'état:
(63.74)
Alors:
(63.75)
2. Soit un photon dans l'état mi-vertical/horizontal, c'est-à-dire
oblique (ce qui peut être assimilé à la superposition
quantique de ses deux polarisations):
(63.76)
où la racine est juste là pour assurer la condition de
normalisation .
Effectivement:
(63.77)
Alors puisqu'il y a superposition (soit la moitié de chaque dans
l'onde totale):
(63.78)
3. Prenons maintenant n'importe quelle polarisation (et c'est
cela que nous n'avions pas avant!):
(63.79)
qui est bien normé comme nous le savons. Alors:
(63.80)
La somme des deux probabilités donnant bien 1!
Maintenant, imaginons que nous tournions le polariseur de .
Nous noterons la nouvelle base de ce polariseur déterminée
par une rotation d'angle avec
par construction:
(63.81)
où la première base correspond donc à la polarisation
diagonale et la seconde est appelée polarisation antidiagonale.
Il s'agit donc de la "base D/A" (Diagonale/Antidiagonale).
Sous la forme des vecteurs de Jones ces deux dernières relations
s'écrivent:
(63.82)
Si nous imaginons que nous avons deux polariseurs qui se suivent.
Le premier ayant la base D/A et le deuxième la base H/V,
le premier va préparer le photon polarisé de manière
générale dans un état
(polarisation) particulier qui sera par construction l'état
oblique pour la base H/V. Ainsi notre deuxième polariseur
n'aura que des situations du type:
(63.83)
Ainsi, cela montre que toute mesure perturbe bien évidemment
l'état de polarisation du photon et perturbe donc l'état
du système. Ce dernier résultat est utilisé en
cryptographie quantique!
Nous remarquerons au passage qu'en utilisant
l'opérateur de spin introduit lors de notre étude du chapitre de
Physique Quantique Ondulatoire, nous avons:
(63.84)
Qui est de la même forme que la relation
suivante (relation liant vecteur propre et valeure propre)
obtenue dans le chapitre précédemment
mentionné:
(63.85)
Et qui indique donc bien que l'état:
(63.86)
est associé obligatoirement à une
particule de spin 1/2. Nous remarquons aussi que cet état est
un vecteur propre de l'opérateur associé
à la valeur propre .
Effectivement:
(63.87)
Puisque dans le cas présent avec l'opérateur ,
nous avons immédiatement la valeur propre et
le vecteur propre associé, sans faire de calculs intermédiaires,
il vient que la probabilité de
mesurer cette valeur propre (se référer pour rappel
au 4ème
postulat de la physique quantique ondulatoire qui associe opérature à mesure à travers
la valeur propre) est facile à calculer car le vecteur
propre est égal au vecteur d'état dans ce cas particulier.
Alors:
(63.88)
Si nous prenions un opérateur de spin
autre que ,
le vecteur propre ne serait pas égal
au vecteur d'état et
alors il nous faudrait déterminer les valeurs propres
de cet autre opérateur de spin choisi et déterminer
les valeurs et vecteurs propres associés (cf.
chapitre d'Algèbre Linéaire). Il y aurait
alors pour 2 valeurs propres et donc 2 vecteurs
propres
et alors
deux probabilités.
QUBIT DE SPIN 1/2
Nous allons voir ici comment construire un qubit basé sur une
particule possédant un spin de ½.
Lors de l'étude de la sphère de Bloch, nous avons examiné un
qubit à un instant déterminé et nous avons vu que dans un espace
de Hilbert H, ce qubit est décrit (par choix) par un vecteur unitaire:
(63.89)
décomposé dans une base orthonormée .
Considérons l'état initial le plus général et minimal correspondant à une
orientation arbitraire d'un spin:
(63.90)
qui correspond comme nous le savons à deux états
opposés (et
superposés) sur la sphère de Bloch.
Remarquons que nous avons bien une probabilité normalisée de
la forme:
(63.91)
Nous avons également vu que la projection selon z par
l'opérateur de
l'état est
donnée à l'arbitraire de phase par:
(63.92)
Maintenant rappelons notre exemple:
(63.93)
où M était donc un opérateur hermitique.
Or les matrices de Pauli sont des opérateurs hermitiques
simples. De plus, comme nous l'avons démontré dans
le chapitre de calcul spinoriel, l'opérateur
hermitique (assimilé à M)
a comme par hasard les mêmes valeurs propres et vecteurs propres
correspondant aux deux relations. Mais s'écrit alors de
manière
traditionnelle comme nous l'avons vu dans le chapitre de Calcul
Spinoriel:
(63.94)
ou de manière encore plus condensée:
(63.95)
De plus cet opérateur satisfait aussi la relation:
(63.96)
Et quelle est la propriété physique associée à ?
Eh bien il s'agit du spin et nous y reviendrons donc un peu plus
bas car cela signifie que nous pouvons utiliser le spin 1/2 comme
qubit.
Maintenant introduisons l'évolution du système sur
cette projection car celui-ci n'est pas statique (mais ceci dit
cela ne changerait
rien à ce cas particulier de le considérer comme
statique).
Nous avons vu dans le chapitre de Physique Quantique Ondulatoire
que cette opération consistait dans un cas simple (comme
ici) à introduire
un terme de phase dépendant du temps du type:
(63.97)
Ainsi:
(63.98)
Ce qui est noté plus sobrement:
(63.99)
Rappelons que l'état d'une particule de spin 1/2 est bidimensionnel
et décrit par la matrice d'état (cf.
chapitre de Physique Quantique Relativiste):
(63.100)
avec:
(63.101)
Si nous voulons calculer la moyenne (l'espérance) de l'observable
(propriété physique) selon chaque axe nous avons alors en utilisant
le cinquième postulat dans le cas de l'axe x:
(63.102)
Selon y:
(63.103)
Et selon z:
(63.104)
Nous retrouvons donc bien pour la composante z (car c'est
la seule qui nous intéresse ici) le résultat qui était imposé plus
haut sous la forme:
(63.105)
à une différence d'angle qui n'est qu'histoire de substitution
et d'une amplitude qui permet de mettre en adéquation
la particularité de
la configuration du système. Nous avons dès lors
des relations mathématiques similaires en tout point en
ce qui concerne la manipulation des qubits de spins orientés
ou des qubits de photons polarisés.
La question que nous pouvons nous poser sur le spin est comment
le préparer dans l'état ?
Au fait nous pouvons le faire avec un champ magnétique en copiant à l'identique
l'expérience de Stern-Gerlach qui permet de séparer un faisceau
de particules de spin ½ en deux faisceaux distincts.
Puisque nous connaissons maintenant toutes les valeurs propres
et vecteurs propres de l'opérateur de spin S, nous
pouvons alors déterminer la forme générale
de l'opérateur de spin sous
une orientation quelconque (!):
(63.106)
Nous avons par ailleurs:
(63.107)
Nous avons choisi
qui est en plus d'être un vecteur d'état, un vecteur
propre de avec
la valeur propre .
Donc la probabilité de mesure ce vecteur d'état particulier
est égale à 1.
Maintenant, nous savons en utilisant le 5ème postulat
que la probabilité de trouver la valeur propre (de
l'opérateur ),
lors d'une mesure de la propriété S selon
l'axe z effectuée
au temps t sur le système quantique préparé dans
l'état ,
est donnée par le carré du module de la projection
de la fonction ou vecteur d'état sur
le vecteur ou vecteur propre associé à la
valeur propre (et
de son opérateur selon cet axe).
Or l'opérateur selon z est:
(63.108)
Pour le même opérateur, nous avons vu dans le chapitre
de Calcul Spinoriel qu'il avait comme vecteurs propres:
(63.109)
Prenons le premier vecteur propre orienté donc selon z sur
la sphère de Bloch. Nous avons alors:
(63.110)
Et la probabilité selon l'autre vecteur propre donnerait
la même expression mais avec un sinus. La somme des deux
probabilités
nous donnerait alors bien 1!
Nous remarquons donc que les relations sont très similaires entre
le photon et le spin dans notre cas d'étude. Ce qui est normal
puisque les deux sont des systèmes à deux niveaux, d'où les résultats
similaires.
PORTES LOGIQUES QUANTIQUES
Rappellons que nous avons posé plus haut que le construction d'un
qubit quantique se faisait sur la base vectorielle:
(63.111)
Donc in extenso, par linéarité (et
c'est tout là l'astuce élémentaire!!!), toute transformation qui
agit sur ces vecteurs de base, agira donc
sur
tout qubit du
plan complexe.
Considérons le cas particulier pour cette
introduction la porte logique qui modifie l'état des
1-qubit, c'est-à-dire
des qubit qui sont colinéaires à un des vecteurs
de base, en l'état opposé. C'est-à-dire de:
(63.112)
Nous devinons assez vite que la matrice qui satisfait
cette relation (attention le lecteur remarquera qu'il ne s'agit
pas d'un cas particulier de la matrice de rotation dans le plan
vu dans le chapitre de Géométrie Eucidienne!):
(63.113)
et qui s'écrit parfois par les spécialistes:
(63.114)
Et nous voyons que cette porte logique de négation
des 1-qubit n'est autre que la première matrice de Pauli. Donc,
nous pouvons aussi écrire:
(63.115)
Négation que l'on appelle alors parfois "porte
quantique de
X-Pauli" ou "porte
quantique NOT".
Maintenant cherchons la porte logique faisant la
transformation strictement horlogique orthogonale suivante:
(63.116)
Nous devinons assez vite que la matrice qui satisfait
cette relation (attention le lecteur remarquera qu'il s'agit
cette fois d'un cas particulier de la matrice de rotation dans
le plan vu dans le chapitre de Géométrie Eucidienne!):
(63.117)
et qui s'écrit parfois par les spécialistes
(de façon un peu malheureuse...):
(63.118)
Et nous voyons que cette porte logique de transformation
dans le sens horlogique des 1-qubit fait intervenir la deuxième
matrice de Pauli. Donc, nous pouvons aussi écrire:
(63.119)
Négation que l'on appelle alors parfois "porte
de Y-Pauli" et qui n'a pas d'équivalent
classique.
Maintenant cherchons la porte logique faisant la
transformation strictement anti-horlogique orthogonale suivante:
(63.120)
Nous devinons assez vite que la matrice qui satisfait
cette relation (attention le lecteur remarquera qu'il ne s'agit
pas d'un cas particulier de la matrice de rotation dans le plan
vu dans le chapitre de Géométrie Eucidienne!):
(63.121)
et qui s'écrit parfois par les spécialistes
(de façon un peu malheureuse...):
(63.122)
Et nous voyons que cette porte logique de transformation
dans le sens horlogique des 1-qubit fait intervenir la deuxième
matrice de Pauli. Donc, nous pouvons aussi écrire:
(63.123)
Négation que l'on appelle alors parfois "porte
de Z-Pauli".
Maintenant revenons sur la transformation suivante
que nous avions traité plus haut:
(63.124)
En d'autres termes, il s'agit de la transformation
(diagonale pour rappel):
(63.125)
Nous remarquons vite que la matrice correspondante
est alors:
(63.126)
qui s'appelle "porte quantique
de Hadamard" et
correspond donc à une rotation anti-horlogique de .
Et nous pouvons continuer ainsi longtemps à créer
des portes logiques quantiques empiriques... donc nous nous arrêterons
ici.
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